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  • Florian Candan /

    Action oblique d’un copropriétaire contre un locataire indélicat

    Cour de Cassation

    3ème Chambre Civile

    12 juillet 2018 – 17-20680

     

    Résumé : Un copropriétaire lésé par un locataire peut mettre en œuvre les droits de son bailleur si la carence de ce dernier est démontrée.

     

    En tant qu’avocats en droit immobilier et en droit de la copropriété, nous pouvons être sollicités par des copropriétaires confrontés à la problématique d’un voisin indélicat.

     

    Lorsque ce voisin à la qualité de locataire, il est possible d’agir directement contre son bailleur pour lui demander la cessation des nuisances, outre des éventuels dommages et intérêts.

     

    Dans certains cas, la résolution du problème ne peut passer que par l’expulsion du locataire indélicat qui, normalement, ne peut être demandée au juge que par le bailleur.

     

    Or, si le bailleur néglige de mettre en œuvre ses droits, le copropriétaire lésé peut rapidement se retrouver dans une impasse.

     

    C’est la raison pour laquelle, il est possible d’agir sur le fondement de l’action oblique (anciennement l’article 1166 du Code Civil) devenu 1341-1 du même Code.

     

    En l’espèce, un restaurant était, à l’égard d’un copropriétaire, à l’origine de nuisances olfactives interdites par le règlement de copropriété.

     

    Le copropriétaire lésé a pu obtenir en appel la résiliation du bail commercial en raison de la gêne occasionnée.

     

    Toutefois, la Cour de Cassation n’a pas suivi la Cour d’appel au motif qu’elle n’avait pas fait la démonstration de la carence du copropriétaire bailleur dans la mise en œuvre de ses droits.

     

    Pour valider cette action, il est donc indispensable de rapporter la preuve que le bailleur néglige de mettre en œuvre ses droits pour obtenir la cessation des nuisances.

     

    Pour ce faire, il est donc conseillé de le mettre en demeure d’agir et de l’assigner aux cotés de son locataire.

     

     

  • Florian Candan /

    L’expulsion d’un locataire – la procédure d’expulsion en bail d’habitation

    Selon les statistiques, l’impayé locatif serait de l’ordre de 3% dans le parc de logements privés (source INSOR). Ce chiffre, s’il peut sembler faible, a tout de même vocation à effrayer les bailleurs. En effet, le propriétaire confronté à de l’impayé locatif, à défaut de solution amiable, s’engage dans un processus long et coûteux. Il est donc indispensable de cibler les risques d’impayés, de les anticiper et d’engager sans attendre les actions judiciaires adéquates.

     

    Cet article concerne uniquement la location de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, qui constituent la résidence principale du preneur.

     

    Selon l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an.

     

     

    I/ Identifier les raisons de l’impayé locatif

     

    Préalablement à toute procédure judiciaire, le bailleur doit être vigilant dès le premier impayé de loyer et prendre l’attache du locataire sans tarder pour en connaitre les raisons. En effet, il convient de distinguer plusieurs types de locataires.

     

    D’abord, est-ce une négligence ou une difficulté financière ? La difficulté financière est-elle passagère (une grosse dépense de santé imprévue par exemple) ou risque-t-elle de durer dans le temps (accident, séparation, perte d’emploi) ?

     

    Lorsqu’il s’agit d’une négligence ou d’une difficulté passagère, la mise en demeure ou le commandement de payer risqueraient d’être contre-productif, surtout si le locataire paie régulièrement depuis longtemps. Il conviendra de traiter amiablement le retard (échéancier) et de rester vigilant.

     

    En revanche, lorsque l’impayé est dû à une difficulté qui risque de durer, notamment la baisse de ses revenus, il faudra faire comprendre au locataire qu’il doit changer de logement sans tarder et donner son congé car l’impayé va nécessairement augmenter de façon conséquente. A défaut, il faudra sans tarder diligenter une action en justice.

     

    De même, si l’impayé survient très vite après l’entrée dans les lieux, ou s’il est récurrent, il est conseillé d’être particulièrement réactif et de suivre le processus suivant :

     

    Dans les 3 jours du retard de paiement, il convient d’adresser un email ou un courrier simple de relance.

     

    Dans les 7 jours, il est préconisé d’adresser un courrier recommandé.

     

    Si 15 jours après, aucun paiement n’est réalisé, un commandement de payer doit être envisagé.

     

     

    II/ Le commandement de payer visant la clause résolutoire, étape indispensable pour l’expulsion du locataire

     

    Le commandement de payer, délivré par Huissier, devra viser la clause résolutoire du bail si le bailleur souhaite y mettre fin.

     

    Il faut toutefois vérifier que le bail contient cette clause, à défaut, il conviendra de fonder la résiliation du bail sur l’article 1224 du code civil.

     

    La clause résolutoire permet, en cas de manquement du locataire à l’une de ses obligations, de résilier le bail automatiquement, sous réserve que le juge constate effectivement l’acquisition de cette clause en faveur du bailleur.

     

    Selon l’article 4,g) de la loi du 6 juillet 1989, la clause résolutoire peut être mise en œuvre dans les cas suivants uniquement :

     

    • le non-paiement du loyer,
    • des charges,
    • du dépôt de garantie,
    • la non-souscription d’une assurance des risques locatifs
    • ou le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée.

     

    Seul un Huissier de Justice peut délivrer un tel commandement. Lorsque l’Huissier est saisi, il est important de lui communiquer les documents suivants pour éviter toute surprise procédurale devant le juge :

     

    • une attestation de propriété afin que le commandement soit réalisé au nom de tous les propriétaires si besoin ;

     

    • le contrat de bail ;

     

    • un décompte locatif retraçant l’historique du compte devant impérativement démarrer à l’origine de la dette. A défaut, le risque serait de perdre la partie de la dette non justifiée si le décompte démarrait par exemple à – 1800 €. Le décompte doit également être purgé de tout frais (avocat, Huissier, frais de gestion) et ne faire apparaitre que les charges et les loyers dus.

     

    Le commandement de payer doit être adressé au locataire, et à son conjoint si le bailleur a eu connaissance d’un PACS ou d’un mariage.

     

    Si une caution existe, il est conseillé de lui signifier également par la voie de l’Huissier de Justice dans les 15 jours de la délivrance au locataire, à défaut la caution ne pourra être tenue des pénalités ou intérêts de retard.

     

    Une fois le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré, celui-ci ne prendra effet que si le locataire ne s’acquitte pas de sa dette dans les deux mois de sa délivrance.

     

    Attention, il convient d’être vigilant à ce stade et de bien vérifier que l’Huissier a informé la CCAPEX (Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives) lorsque le commandement est initié par un bailleur personne physique, ou par une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus. Cette information doit être réalisée par l’Huissier. Il faut le lui rappeler.

     

    Pour les bailleurs personne morale (hors SCI familiales jusqu’au quatrième degré) la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) doit également être informée par l’Huissier au moins deux mois avant l’assignation, sous peine d’irrecevabilité de celle-ci.

     

     

    III/ L’assignation en paiement et expulsion devant le Tribunal d’Instance

     

    Une fois le commandement signifié, l’article 24 de la loi du 10 juillet 1989 impose un délai de deux mois avant de saisir le Tribunal d’Instance, qui a une compétence exclusive pour l’application de la loi du 6 juillet 1989.

     

    Durant ce nouveau délai de deux mois, le locataire peut payer la dette locative figurant dans le commandement.

     

    Bien que théoriquement, la clause résolutoire est acquise, ce paiement fera généralement échec à la mise en œuvre de la clause résolutoire, sauf si cette situation s’est répétée à plusieurs reprises.  Cela reste soumis à l’appréciation du juge.

     

    S’il existe toujours une dette locative, bien que celle visée dans le commandement ait été apurée, l’action en paiement pourra être maintenue, mais pas celle en expulsion qui imposera la délivrance d’un nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire.

     

    Si la dette figurant au commandement n’a pas été entièrement payée, le commandement de payer est pleinement valable.

     

    Attention, la loi impose une formalité complémentaire.

     

    A peine d’irrecevabilité de l’assignation délivrée par le bailleur, celle-ci doit être notifiée au préalable au préfet par l’Huissier (article 24-III de la loi du 6 juillet 1989).

     

    Cette étape d’information du Préfet par l’Huissier est la première vérification à laquelle le Tribunal procèdera.

     

    L’absence de notification de l’assignation au Préfet entraîne la nullité de la procédure. Le bailleur doit donc être particulièrement vigilant sur l’accomplissement de cette formalité.

     

    En résumé, à compter de la signification du commandement de payer jusqu’à l’audience du Tribunal d’instance, il y a un délai incompressible de 4 mois à respecter.

     

     

     

    IV/ L’audience du Tribunal d’Instance et les délais pouvant être accordés d’office par le juge

     

    Le locataire peut se défendre et contester le décompte locatif. Il est donc important de respecter les conditions de forme préconisées ci-dessus.

     

    Le locataire peut également solliciter des délais de paiements qui ont été allongés à 36 mois depuis la loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR.

     

    Selon l’article 24,V de la loi du 9 juillet 1989, le juge peut d’office accorder des délais de paiement dans la limite de 36 mois, à la condition que le locataire soit en mesure de régler sa dette locative et de poursuivre le paiement des loyers courants.

     

    Dans tous les cas, l’octroi de délais ne peut excéder 36 mois et reste soumis à l’appréciation de la situation financière du débiteur, ainsi que des ressources du bailleur.

     

    Ainsi, le locataire de mauvaise foi ou avec des capacités financières qui ne permettent pas de régler l’arriéré de loyers, ainsi que les nouveaux loyers verra sa demande rejetée.

     

    Si le juge octroie des délais de paiement, les effets de la clause résolutoire sont alors suspendus.

     

    Cela signifie que les loyers et charges postérieurs à la décision de justice devront impérativement être payés au début de chaque mois. La suspension ne concerne que les sommes ayant fait l’objet de la décision de justice. Les loyers et charges postérieurs doivent donc être payés.

     

    Si le locataire respecte l’échéancier judiciaire et s’acquitte de son loyer dans les temps, la clause n’est censée n’avoir jamais joué.

     

    En revanche, si le locataire ne respecte pas les modalités d’apurement de sa dette fixées par la décision de justice, ou ne paie pas le loyer et les charges courantes, la clause résolutoire reprend pleinement son effet. La résolution du bail est donc acquise et l’expulsion du locataire peut être sollicitée.

     

     

    V/ L’expulsion du locataire

     

    Une fois la décision judiciaire d’expulsion rendue, ou en cas de non-respect du délai accordé par le Tribunal, soit le locataire quitte les lieux spontanément, soit il est nécessaire de l’y contraindre.

     

    Une fois encore, il est obligatoire de passer par la voie de l’Huissier de Justice qui délivrera un commandement de quitter les lieux.

     

    Toute expulsion effective est interdite avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant le commandement.

     

    L’expulsion aura lieu nécessairement entre 6h et 21h00, en dehors de la période de trêve hivernale prévue à l’article L.412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, qui prévoit la suspension des expulsions entre le 1er novembre et le 31 mars de chaque année.

     

    « Toutefois, le juge peut supprimer le bénéfice du sursis prévu au premier alinéa lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les lieux par voie de fait. Ce qui est le cas du squat. »

     

    Si toutes les conditions sont remplies, l’Huissier de justice fait exécuter la décision, et si besoin, avec l’aide des forces de police qu’il peut réquisitionner.

     

    Selon l’article R.153-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le préfet doit répondre à cette demande dans un délai de deux mois. Le défaut de réponse équivaut à un refus.

     

    En cas de refus de l’Etat de prêter son concours, sauf à ce qu’il justifie que l’expulsion est de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publique, il engage sa responsabilité à l’égard du bailleur qui peut lui réclamer la réparation de son préjudice.

     

     

    En conclusion, il est donc important d’identifier très vite les risques d’impayés locatifs et de se faire assister par des professionnels compétents en raison des nombreux risques d’irrégularités de la procédure auxquels viennent s’ajouter des délais incompressibles particulièrement longs.

     

  • Florian Candan /

    Retard dans la mise en œuvre de travaux en vue de relouer le bien

    Résumé :

    L’agent immobilier commet une faute dans sa gestion en réalisant avec plusieurs mois de retard les travaux nécessaires à la relocation du bien.

     

    Cour d’Appel de Grenoble – 1er Septembre 2015

     

    Cet arrêt concerne la responsabilité d’un gestionnaire de bien dans la mise en œuvre des travaux en vue de la relocation de ce dernier.

     

    Monsieur M. propriétaire de trois appartements en avait confié la gestion à une agence immobilière.

     

    Considérant que cette dernière avait commis une faute dans la gestion de ceux-ci, il décida de l’assigner devant le Tribunal.

     

    Le mandat donné à l’agence immobilière était relativement large en ce qu’il lui permettait de faire exécuter toute réparation de faible coût.

     

    Celles plus importantes requéraient l’accord du mandat obligatoire.

     

    Entre le départ du dernier locataire et l’entrée dans les lieux de nouveaux, il s’est écoulé un délai de neuf mois entre les deux locations.

     

    L’agence avait mis presque deux mois pour produire un devis de remplacement d’une fenêtre cassée sans invoquer de circonstances particulières, sans informer le propriétaire d’un dégât des eaux survenu pendant la période de vacance.

     

    La Cour a considéré ce comportement comme constitutif d’une faute.

     

    En effet, la Cour considère que l’agence a fait preuve d’inertie et que les délais de relocation ont été anormalement longs en raison des manquements du gestionnaire.

     

    L’agence a donc été condamnée à indemniser son mandant à hauteur d’une partie du préjudice subi, en l’espèce 2.000 €.

     

    Si le montant de la condamnation ne parait pas substantiel, le principe n’en reste pas moins important dans la mesure où le mandataire d’un propriétaire, même s’il ne dispose que d’une obligation de moyen doit faire diligence pour mettre fin aux désordres qui affectent le bien loué à plus forte raison lorsqu’il détient un mandat prévoyant cette faculté.

     

    L’agent immobilier commet une faute dans sa gestion en réalisant avec plusieurs mois de retard les travaux nécessaires à la relocation du bien.