Point de départ du délai de 7 jours prévu à l’article L. 271-1 du CCH
Cour d’Appel de Montpellier – 20 mars 2014
Résumé :
Le délai court valablement à condition que le bénéficiaire du droit de rétractation rédige une mention dont les termes sont bien précis.
En présence de deux acquéreurs, l’absence d’une des mentions ne permet pas de faire courir le délai et permet aux bénéficiaires de sortir de la vente. L’agent immobilier engage sa responsabilité pour cette irrégularité.
COMMENTAIRE:
Les faits de l’espèce sont les suivants, par acte sous-seing privé en date du 26 mars 2010, modifié par avenant du 17 juin 2010, Madame A avait donné mandat sans exclusivité à l’Agence Immobilière Z de vendre un appartement.
Le 17 juin 2010, Monsieur R, acquéreur, signe une promesse de vente sous les conditions suspensives d’usage et notamment celle d’obtention d’un prêt bancaire.
La vente ne se réalise pas. La venderesse engage alors une action à l’encontre des acquéreurs ainsi qu’à l’encontre de l’Agence Immobilière excipant d’une négligence fautive de ces parties.
La venderesse invoque le fait que les acquéreurs ne pouvaient se rétracter que dans un délai de 7 jours à compter du lendemain de la remise de l’acte et qu’ils sont donc hors délais au regard des dispositions prévues par l’article L.271-1 du Code de la Construction et de l’habitation (CCH).
L’article L.271-1 du CCH, rédigé au profit de l’acquéreur immobilier non-professionnel, laisse à ce dernier un délai de 7 jours pour se rétracter lorsque l’acte est rédigé sous-seing privé.
Le délai de 7 jours court à compter du lendemain de la première présentation de la lettre notifiant l’acte.
Cependant, il est fréquent que l’acte soit conclu par un agent immobilier ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente.
Dans cette hypothèse, l’acte peut également être remis directement entre les mains de l’acquéreur. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l’acte.
Cependant, afin que le délai court valablement, cette remise doit remplir certaines conditions de forme bien précises prévues à l’article D. 271-6 du CCH qui exige que le bénéficiaire du droit de rétractation inscrive de sa main les mentions suivantes:
« remis par (nom du professionnel)… à (lieu)… le (date)… » et : » Je déclare avoir connaissance qu’un délai de rétractation de sept jours m’est accordé par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, et qu’il court à compter du lendemain de la date de remise inscrite de ma main sur le présent acte, soit à compter du… « .
Les mentions indiquées supra doivent être produites de la main même de chaque bénéficiaire de l’acte sous-seing privé.
En conséquence, dans la présente espèce, une double mention manuscrite aurait dû être rédigée par les bénéficiaires.
Or, la Cour d’Appel de Montpellier juge que les acquéreurs, bien qu’ils aient apposé deux signatures, n’avaient reproduit qu’une seule mention.
La Cour en déduit que le délai de rétractation n’a donc pas commencé à courir à l’encontre de celui qui n’avait pas rédigé la mention en question.
Ainsi, au regard du principe d’indivisibilité de la vente et en l’absence de clause contraire, l’acte ne pouvait être suivi d’effet.
En conséquence, l’exercice par l’un des coacquéreurs de son droit de rétractation ne permet pas de poursuivre l’exécution de la promesse de vente.
La Cour déboute donc la venderesse de sa demande de paiement de la clause pénale dirigée contre les coacquéreurs dans la mesure où le contrat est réputé n’avoir jamais existé.
De son coté, l’Agence Immobilière sollicitait des dommages-intérêts en raison de la perte de son droit à commission, ce que la Cour rejette également fort logiquement.
En revanche, la responsabilité de l’Agence Immobilière, en sa qualité de professionnelle ayant prêté son concours à la vente, rédigé et notifié le compromis de vente incomplet, est engagée au motif que la rétractation des coacquéreurs est la conséquence de la négligence commise par l’Agence Immobilière, qui a permis aux coacquéreurs de se rétracter et ainsi priver le vendeur d’obtenir le règlement de la clause pénale de 5%.
En conséquence, la Cour a condamné l’Agence Immobilière à indemniser le vendeur du montant de la clause pénale perdue.